Formation destinée aux hommes qui animent des séquences de formation pour enfants, adolescents et jeunes adultes. Elle est utile au personnel enseignant, éducatif et encadrant des personnes en formation. Elle est également destinée aux hommes qui interviennent spécifiquement sur les questions d’égalité et de diversité auprès des apprenants.

Elle leur permet d’acquérir les bases de la prise de conscience des stéréotypes de genre, de déconstruire leurs postures, méthodes et leur langage et de conduire des séquences favorables à la promotion de l’égalité parmi les participant.e.s à leurs ateliers, cours ou conférences. 

Durée : 2 séances de 3 heures et lectures personnelles

Bibliographie

Ci-dessous, les publications abordées durant la formation et dont la consultation est recommandée aux participant.e.s.

De nombreuses autres publications abordent naturellement la question du genre, sous un angle sociologique, politique ou biologique par exemple.

Les références ci-dessous sont choisies par Egaleco pour permettre aux hommes d’acquérir les notions de base. Elles sont particulièrement adaptées à la formation des éducateurs engagés pour l’égalité, la déconstruction du sexisme et la réduction des violences de genre. 

Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes, Paris : Robert Laffont, 2017 

Mona Chollet, Sorcières : La puissance invaincue des femmes, Paris, La Découverte : Zones, 2018

Françoise Héritier, Masculin-Féminin I. La Pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996

Françoise Héritier, Masculin-Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002

Raewyn Connell, Masculinités, enjeux sociaux de l’hégémonie, Amsterdam Editions, 2014

Valérie Rey-Robert, Une culture du viol à la française, Paris, Libertalia, 2020

SEM Association, Guide pédagogique les stéréotypes c’est pas automatique

Michael Kimmel, Pourquoi l’égalité des sexes est bonne pour tous, y compris les hommes, TEDWomen, mai 2015

Articles liés

Durant la séquence de formation, plusieurs thèmes abordés font référence à des publications diverses en ligne, dont voici les principales :

Socialisation différenciée, Anne Dafflon, Socialisation différenciée à l’école (Madmoizelle)A l’école de la différenciation (Lausanne), curriculum cachéécole de l’égalitéinégalités dans les interactions verbales entre garçons et filles à l’école primaire (La Chaux-de-Fonds), différences de comportements à l’école (Lausanne), cahiers pédagogiques,

Document de cours

Formation destinée aux hommes engagés dans des actions de formation d’écolier.ère.s sur la diversité, l’égalité et la déconstruction des stéréotypes de genre

Objectifs généraux

  1. Révision des compétences sur l’égalité
  2. Déconstruction personnelle et démarche éducative
  3. Partage d’expériences

Objectifs spécifiques

Les auteur.e.s de référence cités durant les séquences de formation et dont la consultation sera recommandée aux participants sont indiqué.e.s entre parenthèses. 

  1. Comprendre l’éducation à l’égalité dans le cadre de la défense des droits humains
  2. Développer une attitude éducative favorable à la transmission des notions (P. Freire)
  3. Comprendre les risques, les limites et les opportunités de l’engagement d’un animateur homme dans les actions éducatives relatives à l’égalité (attitude révisée et role models)
  4. Sexisme, genre, violences liée au genre, diversité, inclusion (F. Héritier, V. Despentes)
  5. Masculinité hégémonique (R. Connell)
  6. Enjeux positifs relatifs à l’égalité pour les garçons et les hommes (M. Kimmel)
  7. Les stéréotypes et le sexisme expliqués aux garçons (O. Gazalé)
  8. Le continuum des violences sexistes
  9. La culture du viol (V. Rey Robert)
  10. L’égalité au quotidien, par et pour les hommes/garçons

Egaleco, février 2021, Grégory Jaquet.

Programme

​Jour 1 (3 heures)

​Jour 2 (3 heures)

“Il y a des hommes plutôt faits pour la cueillette, la décoration d’intérieur et les enfants au parc, et des femmes bâties pour aller trépaner le mammouth, faire du bruit et des embuscades» Virginie Despentes

Recueil de textes

L’animation du cours est conduite par le formateur Egaleco. Chaque thème abordé, selon les objectifs spécifiques précités est travaillé sur la base d’extraits des auteurs de référence ou d’articles.

Ces textes permettent d’ouvrir la conversation, de créer les conditions d’un regard critique et d’une déconstruction. Il ne s’agit pas de consignes strictes ni de paragraphes auxquels il est question d’adhérer ou de se conformer mais bien de lectures qui créent les conditions propices à la transmission des notions.

Comprendre l’éducation à l’égalité dans le cadre de la défense des droits humains

Pour Françoise Héritier, la construction hiérarchique qui place le féminin sous le masculin procède de la nécessité pour les hommes de prendre le contrôle de ce qu’il leur est impossible sans passer par le corps d’une femme : se reproduire. « Parce que les hommes n’enfantent pas directement avec leur propre corps, alors que les femmes enfantent des filles et des garçons, ils ont fait en sorte que les corps féminins soient à leur disposition. » disait-elle en 2016.

La domination masculine est ensuite l’expression de tous les moyens et de toutes les formes de cette mise à disposition : limitation des libertés des femmes, insécurisation dans l’espace public, écarts de traitement, résistance à l’autonomisation (financière, et pas seulement) des femmes, sexisme et essentialisation systémique etc.

Aussi, Héritier ne contestait pas la domination masculine mais la regardait plutôt comme le résultat de la « valence différentielle »1.

Ainsi, le féminisme ne se limite pas à contester le positionnement discursif des femmes ; le féminisme implique des ménages pacifiques et des services de garde d’enfants coopératifs, etc. Le mouvement syndical tente de créer des lieux de travail plus démocratiques ; les mouvements anticoloniaux construisent des structures d’autonomie. Tous ces mouvements créent de nouvelles formes culturelles et font circuler de nouvelles connaissances. R. Connell

Même si les femmes accèdent de plus en plus aux tâches masculines, il y a toujours plus loin, plus avant, un “domaine réservé masculin”, dans le club très sélect du politique, du religieux, des responsabilités entrepreneuriales, etc. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de l’expression de compétences particulières inscrites dans la constitution physique de l’un et l’autre sexe. L’inscription dans le biologique n’est pas à chercher de ce côté-là, mais dans des données certes de nature biologique, mais si fondamentales qu’on en perd de vue leur nature de fait biologique. Ce sont elles qui sont à l’origine des catégories cognitives : opérations de classement, opposition, qualification, hiérarchisation, grilles où le masculin et le féminin se trouvent enfermés. F. Héritier

Les pères peuvent signaler aux fils que la tradition machiste est un piège, une sévère restriction des émotions, au service de l’armée et de l’Etat. Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’assignement à la féminité. Qu’est ce que ça exige, au juste, être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l’enfance brutalement, et définitivement : les hommes-enfants n’ont pas bonne presse. Être angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu’elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse, etc. Afin que, toujours, les femmes donnent les enfants pour la guerre, et que les hommes acceptent d’aller se faire tuer pour sauver les intérêts de trois ou quatre crétins à vue courte. V. Despentes

Les hommes dénoncent avec virulence injustices sociales ou raciales, mais se montrent indulgents et compréhensifs quand il s’agit de domination machiste. Ils sont nombreux à vouloir expliquer que le combat féministe est annexe, un sport de riches, sans pertinence ni urgence. Il faut être crétin, ou salement malhonnête, pour trouver une oppression insupportable et juger l’autre pleine de poésie. V. Despentes

L’égalité des sexes à bonne école

En Suède, une chercheuse a constaté que, dès l’âge de 1 an, filles et garçons n’étaient pas traités de la même façon.

Elles glissent en riant sur les toboggans, grimpent avec énergie sur les bancs, s’emparent des voitures à roulettes que les animatrices ont mises à leur disposition. Emma, Ida et Alice, qui viennent de fêter leurs 3 ans, profitent d’un des temps non mixtes instaurés en 2005 par l’école de Järfälla, dans la banlieue de Stockholm : une fois par semaine, les fillettes de cette école pilote en matière d’égalité des sexes sont invitées, pendant la matinée, à faire de la gymnastique “entre elles”.

Cette – légère – entorse au principe de mixité a été introduite au nom de l’égalité entre filles et garçons. “Lorsque les enfants faisaient de la gymnastique ensemble, les garçons prenaient toute la place, raconte Ingrid Stenman, l’une des responsables de l’école. Ils accaparaient les jeux, ils occupaient l’espace, et les filles finissaient par s’effacer : elles se retrouvaient dans les coins. Depuis que les filles sont entre elles, elles reprennent confiance. Elles jouent librement et elles découvrent que faire du toboggan, sauter ou courir, c’est vraiment amusant !”2

Développer une attitude éducative favorable à la transmission des notions (P. Freire)

Quand j’entre dans une salle de cours, je dois demeurer un être humain ouvert aux questions, à la curiosité, aux demandes des élèves, à leurs inhibitions. Je dois rester un être à l’esprit critique et interrogateur, inquiet en face de la tâche qui m’incombe – celle d’enseigner et non celle de transférer des connaissances. P. Freire

Enseigner exige l’incarnation des paroles par l’exemple. Penser juste est aussi faire juste. Que peuvent penser des élèves sérieux à l’égard d’un professeur qui, voilà deux semestres, parlait presque avec ardeur de la nécessité de la lutte pour l’autonomie des classes populaires et qui, aujourd’hui, affirmant qu’il n’a pas changé, tient un discours pragmatique contre les rêves et pratique le transfert magistral du savoir professoral vers l’élève ? Le professeur ne peut pas croire qu’il pense juste et, en même temps, demander à l’élève de se soumettre docilement à l’autorité. P. Freire

Je crois qu’une des qualités essentielles que l’autorité de l’enseignant démocratique doit révéler au travers de ses relations avec les libertés des élèves est la confiance en lui-même. C’est l’assurance qu’on exprime la fermeté avec laquelle on agit, décide, respecte les libertés, et avec laquelle on discute de ses propres positions et on accepte de se remettre en question. L’autorité démocratique exercée avec cohérence est convaincue que la véritable discipline n’existe ni dans la stagnation ni dans le mutisme de ceux qui sont réduits au silence, mais bien dans l’agitation des inquiets, dans le doute qui stimule, dans l’espérance qui réveille. L’autorité de l’enseignant rigide ne prend aucunement en compte la créativité de l’apprenant. Cela ne fait nullement partie de sa façon d’être. Il n’attend même pas que l’apprenant révèle le goût de s’aventurer. P. Freire

Comprendre les risques, les limites et les opportunités de l’engagement d’un animateur homme dans les actions éducatives relatives à l’égalité (attitude révisée et role models)

Sept grandes lignes de conduite à observer par ceux qui aspirent à rejoindre le mouvement en faveur de l’égalité :

  1. Prendre conscience
  2. Écouter
  3. Se documenter
  4. Comprendre
  5. Apprendre
  6. Agir
  7. Accepter3

« Si vous êtes blanc et que vous n’admettez pas que c’est génial, vous êtes un trou de balle. Et je suis un homme ! Combien d’avantages une seule personne peut cumuler ? » — Louis CK, comédien

Si vous êtes un homme blanc hétéro en France, on peut dire que votre expérience de la discrimination est relativement limitée. Quand des femmes vous disent qu’elles se font régulièrement harceler dans la rue, quand des gays ou des hommes à l’apparence efféminée expliquent qu’ils se font régulièrement insulter ou mépriser, quand des personnes « non blanches » vous racontent leurs expériences de discrimination, vous pouvez commencer par ne pas minimiser ni mettre en doute ces expériences par une remarque sceptique, du genre :

« Quand même, tu exagères, ça ne peut pas être si grave »

« Je pense que tu vois le mal partout »

« Il ne faut pas te victimiser comme ça »4

Sexisme, genre, violences liée au genre, diversité, inclusion (F. Héritier, V. Despentes)

Qui plus est, ce mythe du guerrier n’est pas seulement coercitif, il est également discriminatoire : il a nourri des politiques violemment homophobes, il est à l’origine de la xénophobie, du racisme, du fascisme, de l’impérialisme, du mépris de classe et de toutes les formes d’exploitation et d’anéantissement de l’homme par l’homme. O. Gazalé

Mais des femmes sentent la nécessité de l’affirmer encore : la violence n’est pas une solution. Pourtant, le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions ‘masculines’, et comprendre ce que ‘non’ veut dire. V. Despentes

Masculinité hégémonique (R. Connell)

L’idéal viril ne se définit pas tant par l’exercice de la puissance que par la haine de l’impuissance. Il se pourrait même qu’au fond des conduites les plus agressivement viriles il y ait, davantage que la passion de la victoire, la hantise primordiale de la défaite – guerrière, sportive, professionnelle ou sexuelle. C’est ce qui expliquerait que la virilité, vertu vulnérable et fragile, ait toujours besoin de se “régénérer” en ressuscitant les modèles du chasseur, du chevalier et du guerrier, parfois de manière caricaturale en confondant virilité et violence sadique… O. Gazalé

Plutôt que de tenter de définir la masculinité comme un objet ( un type de caractère naturel, une moyenne comportementale, une norme), nous devons nous concentrer sur les processus et les relations par lesquels les hommes et les femmes mènent une vie sexuée. La “masculinité”, dans la mesure où le terme peut être brièvement défini, est à la fois une place dans les relations entre les sexes, les pratiques par lesquelles les hommes et les femmes occupent cette place dans le genre, et les effets de ces pratiques sur l’expérience corporelle, la personnalité et la culture. R. Connell

La masculinité hégémonique peut être définie comme la configuration des pratiques de genre qui incarne la réponse actuellement acceptée au problème de la légitimité du patriarcat, qui garantit (ou est censé garantir) la position dominante des hommes et la subordination des femmes. R. Connell

Après plusieurs années de bonne, loyale et sincère investigation, j’en ai quand même déduit que la féminité, c’est la putasserie. L’art de la servilité. On peut appeler ça séduction et en faire un machin glamour. Ca n’est un sport de haut niveau que dans très peu de cas. Massivement, c’est juste prendre l’habitude de se comporter en inférieure. Entrer dans une pièce, regarder s’il y a des hommes, vouloir leur plaire. V. Despentes

Enjeux positifs relatifs à l’égalité pour les garçons et les hommes (M. Kimmel)5

Intervention clé : Pourquoi l’égalité est bonne pour tous, y compris les hommes

Dès leur jeune âge, ils continuent à se laisser prescrire leur idéal par un conformisme de genre qui les enjoint à faire la démonstration de leur puissance et avoir honte de leurs faiblesses. O. Gazalé

Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement de consignes marketing… Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. V. Despentes

Le modèle normatif de la virilité n’oppose pas seulement l’homme à la femme, ni même l’homme viril à l’homme efféminé, mais aussi le maître à l’esclave, ou au “sous-homme”, cette fois sous l’angle sociologique, racial ou religieux, la supériorité des uns ayant nécessairement besoin de l’infériorité des autres, qu’il soit “mécréant”, juif, arabe, noir ou domestique. La comparaison hiérarchisante avec l’Autre est donc centrale dans la construction de la virilité. Être un homme, c’est dominer. Pas de suprématie sans un inférieur à mépriser, voire à humilier. O. Gazalé

Les stéréotypes et le sexisme expliqués aux garçons (O. Gazalé)

Article clé : Messieurs, l’égalité hommes-femmes ne se fera pas sans vous

Quel avantage tirons-nous de notre situation qui vaille qu’on collabore si activement ? Pourquoi les mères encouragent-elles les petits garçons à faire du bruit alors qu’elles enseignent aux filles à se taire ? Pourquoi continue-t-on de valoriser un fils qui se fait remarquer quand on fait honte à une fille qui se démarque ? Pourquoi apprendre aux petites la docilité, la coquetterie et les sournoiseries, quand on fait savoir aux gamins mâles qu’ils sont là pour exiger, que le monde est fait pour eux, qu’ils sont là pour décider et choisir ? Qu’y-a-t-il de si bénéfique pour les femmes dans cette façon dont les choses se passent qui vaille qu’on y aille si doucement, dans les coups que nous portons ? V. Despentes

Le continuum des violences sexistes

La réflexion sur le concept de continuum soulève des questions sur ses multiples usages et significations, que ce soit dans les milieux militants, institutionnels ou professionnels : plutôt que de niveler la gravité de la violence ou d’égaliser les formes et les effets, le continuum souligne combien la domination et l’appropriation du corps des femmes par les hommes est un lien structurant

Dans la plupart des pays occidentaux, un immense effort militant, politique et juridique a permis de mettre en évidence les expériences vécues par les femmes et de rendre visibles des maltraitances cachées dans l’ombre de l’intime et du privé, au premier rang desquelles les viols, les agressions sexuelles ou encore les violences conjugales. Plus récemment, la catégorie des violences faites aux femmes s’est élargie pour prendre en compte un continuum de faits et d’actes qui contribuent à blesser, humilier, maltraiter les personnes en raison de leur sexe ou de leur sexualité, avec notamment des questions comme le harcèlement sexuel (au travail ou dans la rue), les « fémicides », les mariages forcés ou le viol comme arme de guerre. 

Parler de continuum a pour ambition de souligner que les violences de genre quelles qu’elles soient sont le fruit de rapports de pouvoirs structurels entre les sexes (et les sexualités). Marylène Lieber et Marta Roca i Escoda

La culture du viol (V. Rey Robert)

La culture du viol est un concept sociologique utilisé pour qualifier un ensemble de comportements et d’attitudes partagés au sein d’une société donnée qui minimiseraient, normaliseraient voire encourageraient le viol. Wikipedia

Même lorsque l’agresseur sexuel reconnaît qu’il a commis les actes qui lui sont reprochés, il met encore une forme de distanciation face aux gestes qu’il a pu faire. Certes, il les a bien commis, certes, dans d’autres contextes cela serait un viol ou une agression sexuelle, mais dans son cas précis, cela n’a strictement rien à voir. On les verra alors parler de « dérapage », « d’humour un peu lourd », de « culture tactile », de « problèmes personnels » ou de « choses qui tournent mal ».

Une des idées les plus courantes en la matière est d’évoquer une « pulsion irrépressible » qui aurait ôté tout libre-arbitre à celui qui en aurait été victime. En effet, on finit par considérer l’auteur de violences sexuelles comme sa principale victime. V. Rey-Robert

Le harcèlement sexuel ne doit jamais être une option ; on ne siffle pas les femmes dans la rue, on ne leur donne pas notre opinion sur leur tenue, leur sourire ou son absence ou leur physique. Le harcèlement fait que les femmes se sentent objectivées, c’est-à-dire qu’elles apprennent à penser à leur propre corps en tant qu’objets du désir des hommes, au lieu de l’apprécier pour ses capacités ou sa force. Il a été montré que cela conduit à la dépression, à l’anxiété, aux troubles du comportement alimentaire et à de mauvais résultats scolaires. Il est important de dire à ses amis, ses camarades, ses collègues, bref aux autres hommes, qu’on n’est pas à l’aise avec le fait d’importuner des femmes. Une étude a montré que 80% des hommes se sentent mal à l’aise lorsque d’autres hommes font des remarques sexistes sur les femmes mais qu’ils n’osent rien dire car ils pensent être les seuls à le penser. V. Rey Robert

Soit nous partons du principe que le fait que 98% de violeurs soient des hommes est un hasard, soit on se dit que la virilité, c’est à dire la façon dont un mâle devient un homme, pose de sérieux problème. V. Rey Robert

L’égalité au quotidien, par et pour les hommes/garçons

Article clé : Socialisation genrée : grandit-on dans un monde sexiste ?

Dès votre premier souffle, figurez-vous, peut-être même avant, à l’instant même où bien au chaud dans la placenta maternel, votre sexe est annoncé à votre futur entourage. Sur la base d’une configuration physique, nous affectons des enfants à une classe sexuelle dont découlera une série sans fin de différenciation.

Nous n’encourageons ou ne tolérons pas les mêmes comportements venant d’une petite fille ou d’un petit garçon : les fillettes auront le droit de pleurer et de se faire consoler, tandis que les garçons devront se montrer forts; on servira plus à manger aux garçons qu’aux filles, on les punira également plus durement…

Texte complémentaire

Objectif : lecture critique et commentaires en groupe

​Comment être un homme féministe, Le Temps, 12 juin 2019

Sébastien Chauvin est professeur associé au Centre en études genre de l’Université de Lausanne

«Aux hommes qui nous lisent, j’ai envie de dire: «Vous devriez vous intéresser à ces questions, car elles s’intéressent à vous.» Pour agir correctement, il faut d’abord prendre conscience de son privilège. Qu’on soit un homme sympa ou pas, on bénéficie des avantages associés à la discrimination envers les femmes, quand bien même on n’y participe pas personnellement.

Il faut identifier son propre privilège et ne pas attendre d’être félicité à chaque initiative

Je pense aux femmes qui renoncent à faire carrière, à cause du harcèlement sexuel ou de la culture de «boys’ club» dans tel ou tel milieu professionnel. Qui dit discrimination des unes dit privilège des autres! Autre exemple: dans l’univers domestique, il ne suffit pas de partager les tâches. Les travaux sur la «charge mentale» ont montré que le seul temps n’était pas une bonne mesure du partage réel: si on se contente d’«aider» en laissant la charge aux femmes, aux mères et aux sœurs, alors les dés sont pipés. En outre, lorsqu’un homme s’efforce d’assurer davantage de tâches, par exemple liées à la parentalité, on a tendance à lui dire bravo et à le juger particulièrement vertueux. Cela alors que les mêmes tâches effectuées par des femmes sont perçues comme normales! Partager réellement, c’est aussi accepter de ne pas être félicité.

Le féminisme est un projet de justice sociale qui vise l’égalité entre hommes et femmes et l’émancipation vis-à-vis des normes de genre et de sexualité. Aujourd’hui, le féminisme est devenu si populaire que, dans certains milieux, tout le monde se dit féministe. Autant dire qu’il ne suffit pas de se dire féministe pour l’être et qu’il faut sans doute se méfier d’un tel féminisme déclaratif. Car être féministe, c’est aussi être lucide sur le fait que les logiques sexistes nous dépassent et qu’il est impossible d’y échapper complètement à l’échelle individuelle. Pour commencer, voilà quelques conseils de lecture: King Kong Theorie (Virginie Despentes); Caliban et la Sorcière (Silvia Federici), Sexe, race et pratique du pouvoir (Colette Guillaumin); Living a feminist life (Sara Ahmed); et Masculinities de Raewyn Connell.»


Mélissa Blais est post-doctorante à l’Institut d’étude de la citoyenneté, Université de Genève, et codirectrice de l’ouvrage Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, publié aux Presses universitaires de France.

«La féministe Rebecca West disait: «Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson.» Le féminisme est difficile à définir parce qu’il est pluriel. Il s’agit selon moi d’un mouvement social multiforme traversé par une constellation de discours et de pratiques qui convergent toutefois dans sa volonté à redéfinir les rôles des femmes. Selon les tendances ou les courants de pensée, le projet de société que les féministes défendent vise l’émancipation des femmes de la domination et de l’exploitation des hommes ou bien l’élargissement de l’horizon des possibles par-delà les catégories hommes et femmes et les comportements qui leur sont assignés.

Il est crucial d’écouter les femmes, de lire les textes féministes, de désapprendre certains comportements, et de faire un travail sur soi-même

Depuis des années, voire des siècles, bon nombre de féministes ont demandé aux hommes de laisser la pleine autonomie d’action et d’organisation aux femmes, sans chercher à se mettre à l’avant-scène. Parmi les suggestions, on pourrait reprendre celle de la féministe indienne Gayatri Chakravorty Spivak, qui propose d’écouter et de désapprendre: cela passe par les lectures de textes et d’ouvrages féministes, la participation à titre d’auxiliaire des luttes féministes (c’est à dire en soutenant et participant à leurs revendications sans chercher à se mettre en avant – le fameux «soutien mais retrait» qui a tant fait débat), et aussi par un travail sur soi-même.

Enfin, on ne dit pas suffisamment que les hommes doivent accepter de perdre, de la même manière que les patrons d’entreprise perdent du contrôle et du revenu lorsque les syndicats revendiquent de meilleurs salaires. En ce sens, les hommes doivent accepter de perdre notamment du temps de loisir puisqu’ils doivent accomplir plus de tâches domestiques.

Les hommes qui ne se sentent pas concernés par la question sont lucides: ils ont compris tout ce que le féminisme exigeait d’eux. Mais ils pourraient faire preuve d’empathie en s’érigeant contre les discriminations et les violences qui marquent la vie de tant de femmes. Sur une note plus optimiste, les hommes hétérosexuels qui s’intéressent de près aux luttes féministes sont susceptibles d’avoir une vie de couple plus épanouissante et une sexualité plus satisfaisante, comme le souligne l’étude menée à l’Université d’Indianapolis.»


Francis Dupuis-Déri est professeur en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), auteur de La Crise de la masculinité: autopsie d’un mythe tenace (Ed. Remue-ménage, 2018)

«Les hommes pro-féministes devraient – je présume – écouter les féministes et agir en conséquence, être des complices de leurs combat. Cela passe par exemple par les conversations en non-mixité masculine, quand les hommes se retrouvent seuls entre eux: il nous est possible de nous confronter à des hommes sexistes ou lesbophobes et de rompre des liens importants, inhérents à ce qu’on a appelé les «boys’ clubs», par solidarité avec les femmes et les féministes.

Les hommes pourraient commencer par se confronter à d’autres hommes en relevant les propos sexistes qu’ils tiennent entre eux

Le féminisme est diversifié, mais il s’agit – selon moi – d’un mouvement pour la liberté, l’égalité, la sécurité et la dignité des femmes face aux hommes. Cela implique pour les hommes une certaine solidarité envers les femmes, et une conflictualité certaine à l’égard des hommes.

Je me demande: les hommes qui ne se sentent pas concernés n’ont-il pas une mère, des sœurs, une conjointe (s’ils sont hétéros) et des filles qui méritent un salaire égal et la fin des violences physiques et sexuelles, entre autres enjeux? En même temps, pourquoi s’étonner que des hommes, même progressistes, résistent et contre-attaquent sous diverses formes, y compris par l’indifférence ou en accusant les féministes d’aller «trop loin» et de nous faire souffrir? L’antiféminisme s’exprime sur tous les fronts parce que les groupes dominants n’abandonnent jamais le moindre privilège sans résister, sans ridiculiser, sans mentir. Les féministes ont bien des luttes à mener pour que nous cédions enfin.»

Article original dans Le Temps du 12 juin 2019

1Source : eveprogramme : https://www.eveprogramme.com/31199/cest-quoi-valence-differentielle-sexes/

2Article de A. Chemin dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/europe/article/2008/11/13/suede-l-egalite-des-sexes-a-bonne-ecole_1118057_3214.html

3Adaptation du concept de Michael Urbia, par la rédaction de madmoizelle : https://www.madmoizelle.com/egalite-hommes-femmes-messieurs-213049

4Ibid.

5Conférence de Michael Kimmel : https://www.ted.com/talks/michael_kimmel_why_gender_equality_is_good_for_everyone_men_included?language=fr